Chang-kyum KIM
 

      Né à Pajou dans la province Kyong-ki en Corée du Sud en 1965 (Séoul 1966 pour l'année administrative), KIM Chang-kyum a fait ses études à l'université Hong Ik. Après avoir publié (dans l'anthologie Groupe de création n° 2 éd. Chongha), sous la plume de KIM Ji-soo, plusieurs poèmes ("La joie " , "Moi, sur la terre ", " Le mur ", etc.), il débute réellement, sous son nom, en publiant dans la revue Poésie et pensée (éd. Korywon) " La marche ", " Sens absolu ", etc. Il est aussi photographe, membre de l'agence de photo Time Space à Séoul, et il a fait une exposition à Paris en 1993. 
      La " marche " dont parle KIM Chang-kyum, c'est l'engagement du corps dans le vers , plus que sa soumission à un paysage physique. C'est l'ouverture d'une voie pour des voix dans le poème. 
      Depuis son installation à Paris en 1993, il tente de faire une poésie au-delà du bilinguisme entre le français et le coréen. "Un jour, dit-il, le français m'a capturé, et je suis devenu l'étranger au sens baudelairien (dans Le spleen de Paris). Mes écrits français, à leur façon, ne se trouvent-ils pas en phase avec ma langue maternelle, s'il est vrai que notre époque est celle de l'altérité, l'Autre dans le Même? Aujourd'hui, j'ai besoin de traduire ma voix d'une langue à l'autre, du français au coréen et réciproquement. C'est pour mieux bafouiller, courir dans des vers et pour atteindre ce que je ne connais pas encore. Alors j'aime tâtonner le long de mots inconnus, comme un enfant tâte des coquillages sur la plage, et j'aime les faire passer dans la ligne du souffle. " 
      Serait-ce une " poétique de l'aphasie "? C'est celle qu'il s'est forgée dans ses études sur la poésie à Paris 8. " J'ai un mythe personnel, dit-il encore, c'est que je ne par-le pas bien, mais ce serait plutôt une chance pour écrire. En français, j'ai moins de parti pris ou de préjugés que dans la langue coréenne. Paradoxalement, j'ai peur de perfectionner mon français. " 
      Il s'agit donc, pour KIM Chang-kyum, de révéler et d'élargir les choses marginales qui restent en secret au bord des deux langues ou celles qui apparaissent à leur frontière, par hasard.

     
     
                                                                        (La revue Po&sie n°88, éd. Belin, Paris, 1999)
     
     
     
     
    Vers le vers
     
     

    Un pas

    Encore un pas

    De la flamme violette noire

    Où se défilent des traces d'une plume

    Humide légère

    Dans une zone d'extase

    Fumeuse ardente

    Nager patauger

    Pas par hasard

    À Saint-Lazare

    Vers le vers

    Encore vers cette attirance

    Inconnue

    Inachevée

    Au cours du murmure d'écrire

    De tâtonner et de recourir

    Traversant la rivière de méditer et de prier

    Par cette recette

    Du ton de la tempête de l'oral

    Du geste du corps

    Autour de la tour de Babel

    Au Mont-Saint-Michel

    Dans une vieille cave à vin

    Un million de morceaux de cristal éclatant

    Brisé tour à tour par des pas

    Tournant les mains les pieds

    Tournant les rues où jaillit

    Un désir énorme de marcher sans arrêt

    Sans direction prévue

    Sans calcul de temps

    Jamais d'avoir une balance

    Tenir plutôt des ailes du nuage

    Au sommet de la pyramide

    Jusqu'avant la mort

    Presque pour toujours

    Faire un pas en avant

    Lancer même un pas vide

    Pour repartir en recommencement

    Pour un vertige

    Évanouissement même préparé

    Depuis le premier pas

    De gauche à droite

    De droite à gauche

    Plus jamais de recul

    Plus jamais d'effacement

    Jamais de lâche

    Vers avance toujours !

    Une fois de plus plus avance

    Mouvement plutôt infini

    D'ici à là

    Du retour à un autre

    Horizontal et vertical

    Ce va-et-vient sans cesse

    Déplié des pas et des cadences

    De la marche de la pousse

    De la pousse de la marche

    De la marche de la Marche

    Une ligne après une ligne

    Ajoutée un souffle

    Après un souffle

    Un pas après un pas

    Un pas

    Un pas

    .......

    Un pas panique

    Figé dans l'espace du blanc

    Isolé isolant de leur camp même

    Du saut d'une révolte à une autre

    Du paysage de l'errance

    De la crise exaltée

    Du théâtre de litanie de l'être

    Des lettres de l'Être né

    Par un pas ces vers le vers

    Vers le vers
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    La joie vers
     
     

    Ce que je suis depuis hier

    Et aujourd'hui sous une pluie de neige

    C'est que je suis dans une lutte

    Cruelle entre le printemps et l'hiver

    Le temps passe

    Du fait que tous font un

    Fleurit une fleur grâce à l'eau

    Vers le changement de saison

    Ce que je me sens maintenant

    Triste et chagrin

    Ô - c'est je suis

    Vivant vivant encore
     
     
     
     


     
     

                                            publié dans le recueil (anthologie) Moi, sur la terre 1987

                                                                                        traduit et modulé par l'auteur

     
     
     
     
     
     

    Le soleil en larmes
     
     

    Brûle -

    Mes yeux

    Mon corps

    Des trèfles à quatre feuilles

    Maudits toutes les neuf planètes

    Qui tournent autour du soleil

    Même jusqu'au moment le plus

    Somptueux dans ma vie
     
     

    Brûle -

    L'angle intérieur du triangle et ses trois côtés

    L'intelligence artificielle et le rapport

    De la circonférence au diamètre

    Des troupeaux de crocodiles de Pamir

    Des pages jaunes sortant du marécage

    Des cuillères couvertes de petits poils
     
     

    Brûle -

    La Constitution de la république

    Des robots dans toutes les usines

    Des carpes argentines à l'aquarium

    Des bouquets de fleurs des bien-aimés

    Des trois-quarts de laine de l'Italie

    Et des pots sans bassin
     
     

    Brûle -

    La Déclaration de l'Indépendance 3. 1

    Tous les reçus dans des supermarchés

    De vieilles omelettes devenues déjà la

    Langue morte tampon du père déposé à la mairie

    Et le labyrinthe déclenché au disque de longue durée
     
     

    Brûle -

    La croix de l'église

    Des seiches les yeux perdus

    Des temps griffés au vent

    Des micros entraînant l'obstacle du regard

    Le pétrolier de l'espoir

    Et des ballons en gomme du désespoir
     
     

    Brûle -

    Jusqu'à ce que le soleil en larmes

    Décharge son corps à la rivière de l'infini

    Jusqu'à ce que l'écart entre vers

    Et vers chante tout le vide

    Brûle -

    Comme un canard sauvage clopin-clopant

    Brûle en toute candeur comme une

    Onde électronique brûle !
     
     
     
     
     

                                                                            publié dans la revue Poésie et pensée (n° d'été 1991)
                                                                            traduit et modulé par l'auteur