Gakseonmi* du fossile
On est habitué à entendre le propos : "si le zen est zen, ce
n'est plus le zen". Quand on parle du
zen, on l'a accepté traditionnellement et sans réfléchir.
Depuis l'antiquité de la Chine et de la Corée (surtout l'époque
Koryo) par des moines zen, et même à notre âge par le poète
moine HAN Yong-oon qui fît la Déclaration
d'Indépendance 3.1 contre la colonisation japonaise (1919),
le zen n'était toujours pas le zen, si le zen était
du zen. Nous constatons cette réalité, même dans la
première page de son recueil très connu, Silence du bien-aimé
: "si le zen est zen, ce n'est plus le zen". C'était le zen unique
et absolu que personne ne peut aborder ordinairement. Paradoxalement parler,
c'est le monde universel et agnostique, préétabli dans l'impossible
et l'innommable.
Mais je me demande si nous n'avons pas approché de l'ère où
l'on peut dire : "si le zen est zen, c'est le zen". En observant un geste
subjectif d'un poète coréen ou d'autres étrangers
qui publient de leur vivant des recueils que l'on trouve dans le
marché mondial du livre sous le titre "zen", ou bien en réfléchissant
sur de nombreux réseaux internet évoquant
le mandala et ces lignes innombrables, je ne peux
pas ne pas penser que l'aujourd'hui est l'âge de zen de chacun
(gak-seon-mi) et celui de son historicité qui se déclenche
sans le savoir. Le zen ne serait donc pas un objet qui n'existe qu'en
Asie comme la Chine ou la Corée. Autrement dit, c'est bien possible
qu'il existe aussi en Europe, dans des pays
qui sont plus démocratiques au niveau politique et économique
ayant donc "aujourd'hui" beaucoup de réserves
fécondes au niveau de la culture, qu'en Asie, par conséquent, on peut y donc trouver
- pourquoi pas? - le " vrai zen " plus honnête, juste, beau et
plus vertueux que celui asiatique. Ainsi ce ne serait plus la peine d'être
arrogant sur le zen, en considérant que le zen n'existe qu'en
Orient, même si Suzuki l'a introduit en Occident comme un produit
exclusif asiatique.
La formule très connue de Maurice Blanchot, l'auteur de l'Espace
littéraire , "JE passe au IL" doit donc être modifié
par "IL passe au JE". Autrement dit, je me demande s'il n'y avait pas d'historicité
dans le zen même et celui-ci, n'était-il pas que l'enjeu d'un
instant d'illumination individuelle dotée d'un vertige extrêmement
éveillé? Comme "une fleur de nénuphar
au milieu du feu" selon la formule ancienne du monde bouddhiste?
Je me souviens maintenant du discours : "Seul la personne qui se bat à
l'extrême peut comprendre le sens de la liberté". Alors, y
a-t-il d'autres pour prouver que l'on est vivant sinon qu'on sent une
grande douleur sur toute la peau de notre corps comme l'a dit YI Sang dans
son 1er poème de la Perspective à vol de corneille :
"tous les 13 enfants disent qu'ils ont peur"? Devant un pas vers un monde
nouveau inconnu, une aventure, et devant l'hégémonie conservatrice
du "pouvoir", comme on le retrouve dans la publicité de Macintosh
qui fait déjà son moderne : "think different"... . Il n'y
a pas de réponse nette pour le zen, mais il n'y a que son atmosphère-entourage
dont le corps et la chair sont plutôt la réponse. Alors,
comme les références qui nourrissent la ligne des lettres,
la note " en bas " de page serait-elle plutôt la vraie réponse?
"Maître, je me suis perdu dans la rue - ." "Quoi ? Mais non, imbécile,
n'es-tu pas déjà dans la rue?". Cette conversation zen est
déjà devenue clichée et elle a fini par laisser le
"pourri zen".
C'est une allusion qui propose de trouver un jeu zen de chacun (gak-seon-mi)
devenant "nous tous-le sujet" qui n'est pas le plagiat. Dans le
cas de l'art, lorsqu'on le traite dans la théorie de l'imitation,
l'art doit être une imitation initiative, inventive et créative,
et non pas comme esclave. Le Donghak qui a réunifié
confucianisme, bouddhisme et christianisme, l'a bien montré
il y a longtemps (à la fin de l'époque Chosun) sous l'expression
"l'homme, c'est le ciel", mais aujourd'hui l'époque a changé,
me semble-t-il, beaucoup plus vers la démocratie : "le je,
c'est le ciel". C'est le jour où les lignes de chacun profilent
leurs chants et participent à une grande symphonie qui émet
une odeur floral infinie. Cependant il y a une chose regrettable depuis
l'histoire "moderne" de la Corée jusqu'à nos jours : sommes-nous
vraiment "indépendants"? La Corée et chacun de nous qui
y vit, sommes-nous vraiment indépendants, même s'il y avait
diverses cérémonies officielles qui triomphent "Vive l'Indépendance
de la Corée" depuis la libération de la colonisation
japonaise jusqu'aujourd'hui? La question se pose encore : est-ce qu'on
a vraiment succédé à l'esprit de l'Indépendance
et l'a-t-on vraiment vécu, ce qui est une autre expression de "l'intersubjectivité"
basée sur l'idée d'un appel d'urgence, "exister
et vivre ensemble" pour l'amour et la paix de toute l'humanité entière?
J'ai proposé, dans ce journal, fin de l'année dernière,
la "Poétique du talisman" ( Sans frontière PPP vers le
vers) pour une issue à la poésie coréenne du 21e
siècle. De nombreux lecteurs m'ont demandé une explication
plus claire sur ce propos, par conséquent, maintenant j'aimerais
bien y répondre tout en le développant : la "clef" de la
culture coréenne du nouveau millenium est de retrouver le "visage
figuré" qui est le "portrait Choyong de chacun de nous". Alors la
question se pose véritablement de toute urgence : quel est "le visage
figuré" et où est-il en tant que celui de chacun de nous?
Mais pour cela il n'y a pas de réponse exacte, en revanche il n'y
a que des réponses comme des lignes, des biens, des beaux de chacun
(gak-ja-dab comme gak-seon-mi de gak-ja-seon), qui font en fait une "Grande
voie des voix", chemin démocratique.
Ainsi, au lieu de donner une réponse, je ne projetterais qu'un de
mes poèmes "La marche", dans lequel j'ai retouché un
seul mot pour la dernière finition de mon écriture il y
a quelques jours au bout de 10 ans et plus de mon entrée dans
la littérature coréenne, et ses vers 35, "un crayon qui
marche comme le fossile". Très sincèrement pour ce matin 3.1
du nouveau millenium qui est si affairé comme une ouverture
de ma bouche verrouillée au silence, ici sur cette, première ligne .
<Journal Paris Jisung , le 1 mars 2000>
* gak-seon-mi
: écrits en coréen gakseonmi
, ces trois mots collés signifient tout d'abord la ligne harmonieuse
des jambes, mais chaque mot syllabique a aussi son propre sens :
1) le gak comporte au moins, ici dans le texte,
les quatre sens : "l'angle", "l'illumination", "la jambe" et l'adjectif
, "chaque". 2) le seon, : "la ligne", "le bien" et
"le zen".
3) le mi : "la beauté",
"le beau" et le goût. Il y a un jeu de l'écriture sur cet
attachement-détachement entre les mots concrets ou abstraits,
et leur variation dans le contexte.
0 1 2
3
4 5
&
|